Richard Stallman, victime de la sur-analyse ?

Richard Stallman vient d’être poussé à la démission simultanément de la FSF et du MIT pour une blague aujourd’hui jugée de mauvais goût et une déclaration qui a pu donner prise à un détournement de sens ? Il a perdu son emploi ET son hobby structurel le même jour sans avoir jamais violé aucune loi, ni même en être soupçonné !? Quelle est cette folie ?

J’ai la nette impression que si nous condamnons à raison des actes, à contrario que nous sur-analysons les propos. Et rien n’est plus pardonné. Et rien n’est pardonnable dans le monde de l’intersectionnalité. On analyse parfois à 50 (ou à 5 ou à 50.000) pendant des heures et à la virgule près, une phrase dite en passant et parfois prise en dehors de son contexte ; peut-être une maladresse aux yeux du monde d’aujourd’hui ou une phrase qui de premier abord nous semblait innocente. Au 17e siècle, Richelieu se targuait pouvoir trouver dans une seule phrase d’un individu de quoi le mettre à la Bastille. Nous en sommes très loin… En pire !

D’autres sont jugés sur des paroles d’hier en fonction des mœurs et modes d’aujourd’hui, je ne parle même pas de lois. Combien d’auteurs plus ou moins célèbres passeraient avec succès ce genre d’examen ? Lequel n’a pas dit, il y a juste 30 ans, un mot ou une phrase qui ne “passe” plus au regard des censeurs et moralisateurs du jour ?

Troisième pêché, le même Stallman a aussi défendu jusqu’en 2006 le principe de relations consenties avec des mineures* avant de s’excuser publiquement et de remercier ceux qui l’ont fait changer d’avis. Il en a parlé mais il n’est jamais passé à l’acte (par contre, Daniel Cohn-Bendit si adoré de nos média…). Ça ne fait rien, aujourd’hui encore, on ressort ses propos, sans son mea culpa, pour l’accuser lors de débats byzantins. Un jour, il a dit une connerie. Connerie très relative: la majorité sexuelle en Belgique est à 16 ans. En Suède, c’est 15**.

Maintenant, êtes-vous sûr que vous pouvez lui lancer la première pierre ? Je pense que si vous répondez “oui”, c’est que vous manquez de mémoire ou que vous n’avez pas vécu assez longtemps pour voire vos paroles et pensées passer l’épreuve du temps et des changements de mentalité.

Je cite parfois ici des articles issus de média situés loin à droite (principalement parce qu’ils traduisent des articles US de gauche, mais pas seulement) publiant aussi des auteurs ouvertement racistes. Et alors ? Parce qu’ils publient occasionnellement, voire régulièrement, des conneries et des horreurs sans nom, il faudrait se priver de propos intéressants (ne fût-ce que pour les analyser et pour connaître nos ennemis) ou de traductions pertinentes ? Selon notre bien-pensance actuelle: “oui sûrement”. Pour y répondre avec provocation, voici le site de liens de Stallman et, bon dieu, vous y trouverez (en anglais) des trésors de ressources sur à peu près tous les sujets.

Je sais que mes propos me vaudraient l’exclusion de tout média de masse (même relative) si j’avais jamais eu le talent et la capacité de travail de m’y produire. Heureusement pour moi, ce n’est pas mon gagne-pain ni mon orgueil. Mais où en sommes-nous avec la liberté de parole si, sans enfreindre aucune loi, nous ne pouvons plus nous exprimer sans craindre la curée.

Et tout ça c’est bien plus grave que vous ne le pensez: pendant que nous nous empoignons sur des miettes, nous sommes en train de morceler nos luttes. Nous nous dirigeons lentement mais sûrement vers le “tous contre tous” issu de la morale de Hobbes et de l’idéologie libérale. Nous écrasons nous-même nos capacités de penser et d’agir en tant que classe oppressée face à une classe, très constituée, elle, de capitalistes monopolistiques, destructeurs de la planète, de nos vies et de nos libertés.

(*) 16-18 ans à ce qu’il me semble mais peut-être encore moins.

(**) Il n’empêche que 18, c’est la règle du jeu dans son pays. La sécurité indispensable que cela procure aux jeunes qui ont besoin d’un cadre pour faire leurs expériences de vie, fixe ces limites pour l’acte sexuel à 15 ou 16 ou 18 voire 21 ans (USA des années ’50) dans leurs lieux et temps respectifs, sans relativité, ni discussions ni excuses. L’acte, pas lopinion.

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