Revue de presse du 19 mars 2020

La recommandation du jour, c’est l’article de Ian Johnson paru dans le New York Times du 13 mars et traduit en français par Le Cri des Peuples qui explique comment, dans un mélange de racisme et d’idéologie, nos dirigeants ont perdu le temps offert par la Chine en matière de Covid19. A ce propos, sortir sur son balcon tous les soirs à 20 heures pour applaudir les professionnels de la Santé, c’est bien mais les financer correctement et payer ses impôts, c’est mieux, n’est-ce pas Bill Gates.

Autre recommandation, une critique longuement argumentée des printemps arabes décrits comme “Une guerre de prédation économique d’un Occident en crise (…)” par René Naba, que vous auriez tort de négliger si vous voulez comprendre un peu de géopolitique.

Tout le monde aimera “Neuf réflexions sur COVID-19 et ce qui s’en vient” de Caitlin Johnstone remarquablement traduit par Viktor Dedaj. La version originale en anglais est .

Un texte vigoureusement socialiste rappelle que tant la Chine que Cuba envoient de l’aide à nos pays libéraux si développés qu’ils sont incapables de faire face une épidémie finalement pas mal gérée là-bas. Et cet autre article critique tout aussi vigoureusement l’aspect inhumain des sanctions économiques contre l’Iran et le Venezuela en cette période de pandémie.

Sur un blog d’Alternatives Économiques vous pouvez lire une explication de la crise économique révélée par le Covid19 mais qui lui était pré-existante. Ce peut être complété, en français, par cet article des Économistes Atterrés publié sur El Correo.

Une tribune en faveur de l’anonymat sur Internet, baromètre de la démocratie, publiée par Sputnik et écrite par un lauréat de la française Revue de Défense Nationale. Bonjour, les dissonances cognitives ?

Le russe SouthFront met en lumière et en anglais dans deux articles, la montée des menaces de guerre des USA à l’égard de la Russie. Ce se passera en Europe. Il publie aussi la liste des principales pandémies plus ou moins mondiales classé par nombre de morts. Réjouissant, enfin presque.

Sous le titre ““Nous avons des intellectuels de gauche qui se pensent anticapitalistes, qui le sont au sens de leur militance, mais qui écrivent le récit dont la bourgeoisie a besoin“, Bernard Friot nous gratifie d’un article contre, notamment, la pension à points et “l’acharnement (des libéraux) à en finir avec le droit au salaire des retraités pour réaffirmer que ne peut avoir cours que la pratique capitaliste de la valeur : seuls travaillent ceux qui mettent en valeur du capital et la qualification ne peut pas être attachée à la personne”.

L’info est ancienne mais je la signale car l’auteur vient de gagner son procès contre la société de vente pyramidale Akéo alias MLM alias FAR. Cette victoire lui coûte quand même 4.000 €. Vous pouvez le soutenir, même de 5 €, ça lui fera du bien.

Enfin, au cas où ne le sauriez pas déjà, la religion est un obstacle à la science, même aujourd’hui, même chez nous, même dans nos têtes.

Richard Stallman, victime de la sur-analyse ?

Richard Stallman vient d’être poussé à la démission simultanément de la FSF et du MIT pour une blague aujourd’hui jugée de mauvais goût et une déclaration qui a pu donner prise à un détournement de sens ? Il a perdu son emploi ET son hobby structurel le même jour sans avoir jamais violé aucune loi, ni même en être soupçonné !? Quelle est cette folie ?

J’ai la nette impression que si nous condamnons à raison des actes, à contrario que nous sur-analysons les propos. Et rien n’est plus pardonné. Et rien n’est pardonnable dans le monde de l’intersectionnalité. On analyse parfois à 50 (ou à 5 ou à 50.000) pendant des heures et à la virgule près, une phrase dite en passant et parfois prise en dehors de son contexte ; peut-être une maladresse aux yeux du monde d’aujourd’hui ou une phrase qui de premier abord nous semblait innocente. Au 17e siècle, Richelieu se targuait pouvoir trouver dans une seule phrase d’un individu de quoi le mettre à la Bastille. Nous en sommes très loin… En pire !

D’autres sont jugés sur des paroles d’hier en fonction des mœurs et modes d’aujourd’hui, je ne parle même pas de lois. Combien d’auteurs plus ou moins célèbres passeraient avec succès ce genre d’examen ? Lequel n’a pas dit, il y a juste 30 ans, un mot ou une phrase qui ne “passe” plus au regard des censeurs et moralisateurs du jour ?

Troisième pêché, le même Stallman a aussi défendu jusqu’en 2006 le principe de relations consenties avec des mineures* avant de s’excuser publiquement et de remercier ceux qui l’ont fait changer d’avis. Il en a parlé mais il n’est jamais passé à l’acte (par contre, Daniel Cohn-Bendit si adoré de nos média…). Ça ne fait rien, aujourd’hui encore, on ressort ses propos, sans son mea culpa, pour l’accuser lors de débats byzantins. Un jour, il a dit une connerie. Connerie très relative: la majorité sexuelle en Belgique est à 16 ans. En Suède, c’est 15**.

Maintenant, êtes-vous sûr que vous pouvez lui lancer la première pierre ? Je pense que si vous répondez “oui”, c’est que vous manquez de mémoire ou que vous n’avez pas vécu assez longtemps pour voire vos paroles et pensées passer l’épreuve du temps et des changements de mentalité.

Je cite parfois ici des articles issus de média situés loin à droite (principalement parce qu’ils traduisent des articles US de gauche, mais pas seulement) publiant aussi des auteurs ouvertement racistes. Et alors ? Parce qu’ils publient occasionnellement, voire régulièrement, des conneries et des horreurs sans nom, il faudrait se priver de propos intéressants (ne fût-ce que pour les analyser et pour connaître nos ennemis) ou de traductions pertinentes ? Selon notre bien-pensance actuelle: “oui sûrement”. Pour y répondre avec provocation, voici le site de liens de Stallman et, bon dieu, vous y trouverez (en anglais) des trésors de ressources sur à peu près tous les sujets.

Je sais que mes propos me vaudraient l’exclusion de tout média de masse (même relative) si j’avais jamais eu le talent et la capacité de travail de m’y produire. Heureusement pour moi, ce n’est pas mon gagne-pain ni mon orgueil. Mais où en sommes-nous avec la liberté de parole si, sans enfreindre aucune loi, nous ne pouvons plus nous exprimer sans craindre la curée.

Et tout ça c’est bien plus grave que vous ne le pensez: pendant que nous nous empoignons sur des miettes, nous sommes en train de morceler nos luttes. Nous nous dirigeons lentement mais sûrement vers le “tous contre tous” issu de la morale de Hobbes et de l’idéologie libérale. Nous écrasons nous-même nos capacités de penser et d’agir en tant que classe oppressée face à une classe, très constituée, elle, de capitalistes monopolistiques, destructeurs de la planète, de nos vies et de nos libertés.

(*) 16-18 ans à ce qu’il me semble mais peut-être encore moins.

(**) Il n’empêche que 18, c’est la règle du jeu dans son pays. La sécurité indispensable que cela procure aux jeunes qui ont besoin d’un cadre pour faire leurs expériences de vie, fixe ces limites pour l’acte sexuel à 15 ou 16 ou 18 voire 21 ans (USA des années ’50) dans leurs lieux et temps respectifs, sans relativité, ni discussions ni excuses. L’acte, pas lopinion.