Stress synchrone à la maison

Une p’tite friteuse fermée est arrivée chez moi et je l’ai utilisée pour la première fois ce soir. Rien que les têtes effarées des deux fauves valait largement la dépense.

Là, elles ne pouvaient pas nier leur gémellité. Prudemment assises, silencieuses, côte à côte sur la table située en face de l’arrivante, stratégiquement décalées pour ne pas gêner de larges champs de visions pour toutes les deux. Les 4 yeux et autant d’oreilles intensément fixés sur la chose et les bruits qui en sortaient.

Les mêmes yeux et oreilles se sont ensemble et brièvement tournés vers moi quand je suis entré dans la pièce avant de se braquer à nouveau vers l’objet étranger, toujours aussi majestueusement synchrones, toujours avec la même prudente lenteur, histoire de ne pas alerter le gibier ou le prédateur potentiel par des brusques agitations. Magnifiques et hiératiques dans leur alliance spontanée et sororale face à l’ennemi commun ou au moins l’inconnu.

Toute cette inquiétude s’est heureusement un peu calmée quand elles m’ont vu manipuler l’objet et elles ont alors pu envisager de retourner à d’autres activités, pas totalement rassurées mais suffisamment pour interrompre leur garde attentive.

Je dis “heureusement” pourtant, d’un autre côté, peut-être aurai-je dû prolonger l’état de tension au moins le temps de faire des photos tant cet involontaire pas de deux était élégant et gracieux. Mais aurai-je pu capter la magie de l’instant en mouvement dans une image fixe mieux que je ne le fais par ce court texte ?

Mes chattes

L’aînée a son petit trot pressé. La cadette ne connaît que le galop effréné.

La comtesse est tout fine, la travailleuse est massive comme un bobcat mais toutes deux ont la même taille. Juste pas la même épaisseur. Vraiment pas.

L’une a des bras de princesse, l’autre a des pattes comme des colonnes de temple.

Ma brute se couche au milieu du passage, ma douce ne se pose qu’en hauteur ou à l’abri.

L’une ne peut être éveillée sans chercher à m’avoir dans son collimateur, l’autre vit bruyamment sa vie d’un bout à l’autre de l’appartement.

L’une pourrait passer des heures vautrée sur l’ampli quand j’informatise, l’autre vient régulièrement taper sa tête contre mon cou quand j’écris pour exiger ses 2-3 grattouilles avant de repartir à l’aventure.

Toutes deux orbitent autour de moi quand je me répand sur le canapé avant l’une de se fixer sur mes jambes et l’autre à moitié sur mes orteils pour toute la durée du livre ou de mon endormissement.

L’une est toute tendresse, l’autre violemment jalouse.

La dominante ne craint pas la fraîcheur du carrelage, la maigriotte fond sur toute source de chaleur.

L’une n’imagine pas se déplacer dans l’appartement sans faire le détour nécessaire pour passer entre mes yeux et l’écran sur lequel je lis, l’autre ne le fait que pour s’y arrêter… exclusivement pendant les films.

L’une sait boire, l’autre fabrique des marécages.

Toutes deux partagent à tour de rôle et de manière aussi codifiée qu’égalitaire la même assiette alors qu’il y a sa jumelle tout aussi pleine juste à côté mais que personne ne regarde.

Toutes deux viennent quand je les appelle. Mais restrictivement dans notre cercle de famille, pas en public.

Toutes deux connaissent bien la différence entre l’appel “Vous venez ?” auquel elles répondent selon leur tempérament et le “Y’a du bon qui s’annonce”, généralement l’ouverture de la terrasse, où toutes deux arrivent au grand galop même si ma chasseresse préfère rapidement retourner dans les escalades de l’appartement.

L’une sévit à l’intérieur, l’autre profite de chaque occasion pour continuer sa sieste à l’air libre.

Aucune n’aime la pluie : ce sont des chattes après tout et ce printemps trop humide nous brime injustement.