Un ami vient de m’envoyer un courriel montrant des enfants, visiblement musulmans, en armes et les mettant en parallèle avec les photos d’enfants morts à Gaza. Le premier expliquant le second à ses yeux. Le tout accompagné du message “Il n’y a rien de pire que d’enseigner la haine à des enfants” “, “comme si dans le passé, nos propres organisations de lutte pour la création d’Israël n’avaient pas recruté des enfants” lui répond Gideon Lévy en anglais dans Haaretz
Mais je voudrais lui dire qu’il a tellement raison : les priver de soins, de vaccins, d’école, de nourriture voire même de vie ne sont que pêchés véniels à coté de l’enseignement de la haine. Et les terroriser, les priver d’avenir, tuer leurs proches n’est-il pas le plus fort des enseignements.
Cet ami me répondra qu’à la différence des terroristes (comprendre “non-occidentaux”), Israel ne vise pas spécifiquement des civils. Ouais… outre qu’au contraire, il est avéré que Tsahal tire volontairement sur les médecins et infirmiers, comme dit le même Gideon Lévy en anglais dans Haaretz:The IDF has no mercy for the children in Gaza nursery schools (et ici en français) qui ajoute “on peut déclarer que le Hamas se cache parmi la population civile, comme si le ministère de la Défense israélien à Tel-Aviv n’était pas situé au cœur d’une population civile, comme s’il y avait des endroits dans la bande de Gaza qui n’étaient pas au cœur d’une population civile.”
Plus généralement, le message de cet ami semble indiquer qu’à ses yeux tous les musulmans ne sont qu’une seule “race”: des images d’enfant arabes ou turcs prises quelque part dans le monde justifient le massacre de civils dans un pays précis mais différent. Ma perception est accentuée par le raisonnement que je lui ai souvent entendu énoncer: que les Palestiniens chassés de leurs terres pouvaient n’avaient qu’à aller “ailleurs”, sous-entendu “dans le monde arabe” bien sûr. Pas en occident (URSS incluse) qui pourtant était le responsable de leur expatriation, voire même uniquement en Allemagne puisqu’en dernier ressort c’était quand même ce pays qui avait porté au pouvoir et soutenu jusqu’à l’écroulement de son rêve le fou responsable de la Shoah (et de la mort de 50% des Tziganes et de millions de civils slaves).
Autre chose, l’entrainement militaire des tout jeunes, montré sur ces photos n’est pas une preuve de “haine”, a fortiori anti-sémite. Et ici en europe, il n’y avait PAS un seul message anti-sémite à la manif de dimanche à Bruxelles que j’ai couverte de bout en bout. Et s’y proclamer “juif”, ce que je fais systématiquement face à des gens dont je veux tester l’anti-sémitisme (*), ne m’y a attiré aucun problème. Au contraire, cela m’a attiré la sympathie d’un jeune d’origine marocain qui m’a accompagné pendant toute cette “inspection” et avec qui j’échangeais des traductions des rares slogans en arabe et l’identification des groupes arabes et turcs contre information sur les organisations de gauches représentées. Plus même, dans aucune des manifestations récentes dont j’ai lu les comptes-rendus, les journalistes n’ont signalés de slogans racistes sauf pour ce qui concerne cette violente agression devant un lycée parisien, typique importation du conflit qui a eu “curieusement” peu d’écho dans la presse. Mais si vous vous donnez la peine d’aller lire l’article de cet excellent blogueur, vous comprendrez pourquoi même l’hyper-réactif Sakro en a aussi peu parlé.
Pour le reste, je voudrai le renvoyer à ce texte sans haine publié sur le site de mon amie Danielle http://socio13.wordpress.com/2009/01/17/sermon-au-soldat-de-tsahal-par-dr-idrissi-my-ahmed/#comment-10204 et au commentaire que j’y ai ajouté.
Je voudrais aussi lui conseiller De Defensa qui reporte que même les alliés les plus fidèles d’Israel commencent à avoir des doutes sur la tactique sans stratégie d’Israel à Gaza. Mais il y bien plus sur ce site. Notamment “Un autre texte, du San Francisco Chronicle décrit combien la crise de Gaza divise également la communauté juive US, sans doute dans une mesure qui n’a pas de précédent. C’en devient presque inquiétant. Comme bien d’autres, je crains autant le soutien inconditionnel ancien qu’un retournement massif de la politique occidentale qui risque au contraire d’attiser la situation.
Enfin, je voudrais lui dire que sa position est aujourd’hui indéfendable. L’ONU se plaint du bombardement de son QG à Gaza et de l’incendie de son entrepôt de nourriture, le Président de l’Assemblée générale de l’ONU accuse Israël de violer le droit international, MSF abonde dans le même sens (en audio), des organisations israeliennes appellent à une intervention humanitaire à Gaza. La liste est interminable. Même le drigeant du Hamas Israel Hanyieh ne pose pour la paix que des conditions aussi raisonnables qu’humaines, basés d’ailleurs sur des arguments repris par Courrier International: le blocus a commencé en 2006 qui rappelle aussi que la trève de 6 mois rompue cet hiver a été rompue d’abord par des attaques israeliennes et le refus de lever le blocus d’une population affamée.
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(*) de même que je me réclame de mon ascendance turque chaque fois que je rencontre un anti-musulman ou “suspecté de”. Je suis d’ailleurs reconnaissant à ce pays qui a contribué à sauver mes arrières-grands-parents de la déportation nazie, mais pas de la mort, hélas.
Pour une certaine gauche juive, l’identité juive s’est construite sur le refus d’accepter la Shoah comme seule identité possible. Ils se sont tournés vers Israel comme refuge, image valorisante et rassurante de la condition juive. Aujourd’hui cette gauche sioniste est déchirée entre l’illusion et l’horrible réalité: son idéal est devenu le dernier état colonial d’origine (principalement) européenne.
Alors, il leur reste trois voies, aussi absurdes les unes que les autres:
– l’autisme qui engendre une panique permanente et renforce cet autisme. Car la moindre critique entame aisément cet équilibre fragile qui repose sur un déni du réel que tout rappelle.
– le support de “l’occident laic” (Pologne incluse ?) face au “péril” de l’islamisme. Comme si depuis 1919, les morts n’ont pas toujours été à 1.000 arabo-musulmans pour un “blanc”. Comme si Israel et les USA (et le reste de l’Otan) n’avaient soutenu, défendu, financé partout les religieux pour contrer le “commmunisme athée” de l’OLP ou de l’Afghanistan. Comme si l’islamisme avait plus de morts innocents sur la conscience que le c(h)rétinisme anglo-saxon, tant à l’échelle du siècle que des 8 dernières années.
– l’accusation sans fondement: “la gauche ne voit que les quelques morts à Gaza et se tait face à tous les autres massacres. C’est de l’anti-sémitisme caché”. Ah bon, la gauche ne s’est pas impliquée dans la lutte républicaine nord-irlandaise, même qu’elle soutenait déjà les “terroristes” de l’IRA au nom des 5 (cinq, pas mille) morts du “Bloody Sunday” ? Ah bon, la gauche n’a jamais dénoncé le colonialisme ? Ah bon, la gauche (y compris juive) n’a pas lutté contre le racisme anti-noirs aux USA ou en Afrique du Sud ? Ah bon, la gauche n’a jamais critiqué le massacre des indiens dans les amériques par les colons chrétiens d’Angleterre et d’Espagne (et plus si affinités) ? Ah bon, la gauche n’a pas manifesté contre Pinochet et ses émules ? Ah bon, la gauche ne s’est jamais engagée dans la résistance (parfois gesticulante, certes) à toutes les oppressions, en y laissant force morts (parfois de ridicule,certes) et assassinés ? Non, tous ces combats ont été menés et gagnés par Raymond Aron et Albert Camus
– et le plus absurde: le soutien au nom de la Shoah. Comme si cette horreur était radicalement différente de toutes celles qui l’ont précédée, suivie ou accompagnée. Pour en citer quelques’unes: le belge Leopold II a (fait) tuer 50 % de la population congolaise, la colonisation des amériques a tué 60 à 100 % de la population locale, l’Algérie Française (1 ou 2 millions de morts?) et tous les autres colonialismes, les marches de la mort pour les Arméniens turcs (assassinés par un pouvoir… laïc !), les froides tueries de Chinois lors de l’occupation japonaise, les slaves et tziganes par les nazis, etc….
Si toutes les survivants des génocides réclamaient un pays ethniquement pur, je crains qu’il ne ne nous faille bien plus qu’une 2e terre. Et si en plus, ils en tiraient argument pour ne pas respecter les lois de la guerre, alors, il faudrait souhaiter qu’on en revienne à l’âge de la pierre pour ne pas voir exploser notre verte boule.
Ceci posé, ne vous méprenez pas sur ma position: si l’existence des juifs, comme de tout groupe, était menacée, je n’hésiterai pas à prendre les armes, celles que je sais et que j’ose manier. Ce ne sont pas celles de la guerre. Mais je ne critiquerai jamais ceux qui ont le courage de prendre ce chemin. Même si c’est de la folie, car il y a pire que la folie: il y a la lâcheté et le silence.
Je remonte dans le texte, pour que ne le ratiez pas, le commentaire qui vient de m’être envoyé car je pense qu’il comble un manque dans ce que j’ai écrit:
“Il y a encore une autre figure… celle qui refuse de hurler avec les loups et qui sans nier l’inacceptable soutient désespérément toutes les initiatives porteuses d’espoir, de dialogue, d’humanité… Bref qui recherche simplement un peu de lumière dans un monde de brute …
Naïf peut-être …. mais j’assume”.