Petite remarque préliminaire: si cet article commence par une allusion au moyen-orient, ce n’est que pour rebondir et vous parler d’un dessein qui le dépasse largement.
Comme le souligne Danielle, l’agression sur Gaza a marqué un tournant dans la vision du moyen-orient mais peut-être aussi du monde. Des gens aussi surprenants qu’Henri Siegman, ancien directeur de l’American Jewish Congress ou la London Review of Book (traduite) prennent position contre l’occupation et le siège de la Palestine.
Sur ce dernier site, nous trouvons aussi un texte qui vient renforcer des propos tenus depuis longtemps par certains comme Loubnan ya Loubnan et popularisés plus récemment par des gens comme Naomi Klein et repris depuis par de plus en plus de gens. Et ce propos est clair et dépasse largement cette zone géographique qui focalise tant d’attention depuis peu.
Le soutien apporté jadis par Israel au Hamas contre Arafat, par les USA aux fondamentalistes de tous poils en Afghanistan ou au Pakistan via l’ISI ne sont pas le fait d’alliances opportunistes. Le support apporté à ce bouffon ivrogne d’Eltsine lors de la chute de l’URSS n’est pas un hasard. Le soutien apporté par les USA ou l’Allemagne, sous des prétextes foireux, aux partitions des pays comme en Yougoslavie, et je ne parle pas seulement du Kosovo, au Vénézuela ou en Bolivie. L’impunité accordé par la communauté internationale au terrorisme d’état du pouvoir colombien et à ses escadrons de la mort. La volonté d’annihilation de l’état irakien ou de l’infrastructure économique de Gaza, bien au-delà des quelques morts, qui fait d’ailleurs écho au même type de bombardement au Liban en 2006. La libéralisation de l’économie avec ses résultats parfois presque drôles ou franchement catastrophiques, vraiment. L’humanitarisme dévoyé à la Bill Gates dont le pouvoir financier est tel qu’il impose ses choix néo-libéraux et pro-OGM aux pays qu’il “aide”. Le silence de RSF face à la main-mise des puissances économiques sur les médias et la perte de crédibilité de ceux-ci : manipulés/manipulateurs plus ou moins conscients, voire même aux tentatives de censure d’Internet. Tout cela dessine un tableau bien clair à qui prend un peu de recul. Mais nous allons commencer par quelques définitions
Un pays se caractérise par un territoire mais aussi et surtout par une population organisée, des relations sociales fortes, des modes pacifiques de résolution des conflits de besoins et d’aspiration, un contrôle économique qui aide les plus faibles et protège la majorité de la violence des acteurs les plus puissants. Tout ceci forme un cadre structuré qui fait toute la différence entre la civilisation et la loi de la jungle et dont l’état n’est qu’une des composantes mais la plus essentielle par son caractère unique, par son monopole et l’obligation de s’y soumettre.
Au contraire, un territoire est une zone géographique avec des ressources. Que celles-ci soient minérales ou vivantes. Qu’il s’agisse de pétrole, de zones propices à l’exploitation agricole, avicole ou forestière, de ressources génétiques naturelles, humaines ou simplement d’espace. Aucun des mots qui précède n’est choisi au hasard: ni “exploitation” ni “ressource” ni même “génétique” ou “humain”.
Ronald Reagan avait déclaré: “l’état n’est pas la solution, l’état est le problème”. Le rêve de ceux qui l’ont porté au pouvoir et tous les autres après lui, aux USA ou ailleurs, est de transformer les pays en territoires. Leur but est de casser les structures où les humains s’expriment, se différencient et s’unissent, où ils se structurent et s’organisent plus démocratiquement.
Ce but est poursuivi de manière douce via una managerialisation de la société, si bien décrite par « Les Mots du Pouvoir », par la publicité qui impose des stéréotypes inhumains, individualistes et consuméristes ou de manière plus dure comme dans les formes modernes de « management des ressources humaines », d’individualisation des rapports sociaux voire même d’attaque contre la protection sociale en refusant d’admettre son importance dans la pacification de la société globale. Elle peut s’exprimer de façon violente en tuant les leaders des contre-pouvoirs ou de manière plus soft en les harassant ou en truquant les élections à coup de centaines de millions. Plus durement en supportant les pouvoir politiques les plus corrompus et les plus incapables et en renversant Allende. En finançant des organisations acquises à leur thèses ou en armant les para-militaires et autres escadrons de la mort.
Comme me le disait Sophie Goldmann « ce qui est frappant dans ce tableau, c’est l’utilisation des sciences sociales à des fin destructrices ». C’est le dévoiement de la connaissance de ce qui unit les humains pour les désunir. C’est la liberté insoutenable qui est est laissée aux puissances, notamment financières, dont nous payons les pertes pendant qu’ils empochent les bénéfices. C’est l’idéologie que porte le néo-libéralisme. Une idéologie morbide d’exploitation sans retour. Or « le bonheur individuel se doit de produire des retombées collectives, faute de quoi, la société n’est qu’un rêve de prédateur » disait Daniel Pennac.
En guise de conclusion temporaire: cet article n’est qu’une première réflexion. Beaucoup doit encore être fait. C’est ce à quoi C.C.E. va s’attacher avec votre aide dans les articles à venir.
P.S. : Le titre fait référence à une contre-utopie d’Ira Levin de 1970: “Un bonheur insoutenable” Ed. J’ai Lu, N° 434.